La rupture conventionnelle en période COVID

Date de publication :

19/04/2020

L'état d'urgence sanitaire déclaré en France par la loi du 23 mars 2020 n'a pas entrainé de modification du dispositif de la rupture conventionnelle prévue aux article L 1237-11 et suivants du code du travail.

Sa mise en oeuvre dans la période actuelle pose cependant un certain nombre de problèmes.

Le recours à la rupture conventionnelle en période d'Etat d'Urgence Sanitaire

La jurisprudence a déjà statué sur le fait qu'il peut être recouru à la rupture conventionnelle, même en période de suspension du contrat de travail, y compris liée à un accident ou une maladie professionnelle, et même en cas d'inaptitude.

Attention cependant si l'entreprise a sollicité le mécanisme de l'activité partielle, celle-ci est assortie d'engagements de l'employeur, il conviendra de vérifier que ces engagements n'emportent pas interdiction de procéder à des ruptures de contrat de travail pendant la période concernée. Cela pourrait remettre en cause l'ensemble des avantages associés au mécanisme.

Il n'y aurait donc, en principe, pas d'obstacle à la conclusion d'une rupture conventionnelle même en période d'activité partielle ou d'arrêt maladie.

La Rupture conventionnelle individuelle en pratique

1. Entretien

En pratique le recueil du consentement du salarié et son information préalable nécessitera tout de même certaines précautions.

En premier lieu, il conviendra de s'assurer que les perturbations du service postal n'ont pas empêché les parties de s'informer pleinement et de donner leur consentement.

En second lieu, on notera qu'aucune mesure gouvernementale n'interdit la réalisation d'un entretien physique de rupture conventionnelle.

De surcroit, la jurisprudence considère encore aujourd'hui que l'entretien physique ne peut être remplacé par un entretien téléphonique. Si la doctrine et l'évolution générale des textes laisse penser que la jurisprudence assouplira sa position, mais rien n'est moins sur !

Passé cet écueil, le document sera signé par les parties, chacune gardant un exemplaire original.

2. Délai de rétractation

Commence alors le délai de rétractation des parties.

Or l'Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période prévoyait, dans son article 2, que "tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois."

La question pourrait donc se poser de savoir si le délai de rétractation ne doit pas s'analyser comme un délai pendant lequel doit être effectué un acte (la rétractation) pour permettre de ne pas être engagé par le contrat.

Si l'on retient cette interprétation, on devrait donc considérer que les parties auraient quinze jours à compter du 25 juillet pour exercer leur droit de rétractation (deux mois après la fin de l'EUS actuellement prévue au 25 mai) pour se rétracter d'une rupture conventionnelle conclue pendant l'Etat d'Urgence Sanitaire.

C'est également la position qu'avaient retenu plusieurs DIRECCTE pendant le mois de mars.

Heureusement est arrivée l'ordonnance du 15 avril 2020 dont l'article 2 modifie l'article l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 sur ce point.

Elle précise que le délai de rétractation de la rupture conventionnelle n'a pas été suspendu par l'ordonnance initiale.

Elle ajoute qu'il s'agit d'une précision interprétative. Cela veut dire que cette précision a vocation à être rétroactive.

La question est donc censée avoir été réglée.

Il n'en demeure pas moins que si l'ajout devait être considéré comme n'apportant pas une simple interprétation mais une modification du droit, il serait possible de soutenir que les ruptures conventionnelles conclues avant le demeurent soumises à la possibilité d'une rétractation après l'état d'urgence sanitaire.

Peut être les tribunaux seront-ils saisis du litige...

3. Homologation

Une fois le délai expiré, la partie la plus diligente peut adresser la rupture conventionnelle à la DIRECCTE. Celle-ci dispose d'une délai de 15 jours pour accepter ou refuser d'homologuer la rupture. L'absence de réponse de l'administration dans ce délai créé une décision implicite d'homologation.

En pratique les entreprises adressent la demande d'homologation et reçoivent un courrier leur indiquant qu'à défaut de décision expresse contraire, l'homologation sera acquise quinze jours après.

Là encore l'Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a suspendu certains délais, dont celui dans lequel naissent les décisions implicites de l'administration.

On imaginait que ce problème serait réglé, comme pour le délai de rétractation, par une précision dans l'ordonnance du 15 avril 2020. Il n'en n'a rien été alors que l'administration était informée de l'existence du problème juridique. Il s'agit donc d'un arbitrage délibéré de la part du gouvernement.

Ainsi la rupture conventionnelle d'un contrat de travail en période d'épidémie demeure soumise à une décision expresse d'homologation de l'administration.

En l'absence d'une telle décision, le contrat n'est pas rompu.

Il convient donc d'attirer l'attention des parties sur l'impossibilité de prévoir avec certitude le délai de rupture du contrat de travail qui dépendra du bon vouloir de la DIRECCTE.