Quand l'obligation de loyauté prime sur le respect de la vie privée !
Date de publication :
31/05/2024Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mai 2024, RG n° 22-16.218
La Cour de cassation statue, dans cet arrêt, sur le cas d'un salarié qui exerçait des fonctions de direction.
Il était chargé en particulier de la gestion des ressources humaines et avait reçu du président du directoire de la société diverses délégations en matière d'hygiène, de sécurité et d'organisation du travail ainsi que pour présider, en ses lieux et place, de manière permanente, les différentes institutions représentatives du personnel.
Il avait caché à son employeur la relation amoureuse qu'il entretenait, depuis la fin de l'année 2008, avec une autre salariée, laquelle, jusqu'à son départ de l'entreprise en avril 2013, y exerçait des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel, s'était investie en 2009 et 2010 dans des mouvements de grève et d'occupation d'un des établissements de l'entreprise et lors de la mise en oeuvre d'un projet de réduction d'effectifs et avait participé en 2009 puis au cours de l'année 2012 et en janvier 2013, dans ses fonctions de représentation syndicale, à diverses réunions où le salarié avait lui-même représenté la direction et au cours desquelles avaient été abordés des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux.
Le salarié avait été licencié pour faute grave lorsque son employeur a été informé de l'existence de cette relation amoureuse.
La Cour de cassation, après avoir rappelé qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, valide le licenciement après avoir considéré :
qu'en dissimulant cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait ainsi manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et que ce manquement rendait impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi.
Par cet arrêt surprenant, la Cour de cassation s'affranchit de sa jurisprudence antérieure qui exigeait que pour pouvoir sanctionner un fait tiré de la vie privée d'un salarié, il fallait que l'employeur démontre le trouble objectif créé dans l'entreprise par ce fait.
Nul doute que cet arrêt sera abondamment commenté, tant il bouleverse le paradigme antérieur de l'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle tel que fixé par la jurisprudence.