Un sportif professionnel est-il un précaire par nature ?

Date de publication :

30/12/2019
Cour de cassation - chambre sociale - 4 décembre 2019 - N° 18-11989

Cet arrêt mérite lecture car la solution donnée pourrait paraître contre-intuitive.

La législation du travail prévoit la possibilité de recourir à des contrats précaires pour les emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Le sport professionnel fait partie de ces secteurs et il pourrait être communément admis que les contrats de travail des joueurs professionnels relèvent naturellement de cette dérogation.

Ce serait oublier les dispositions de l'article L1242-1 du code du travail qui énoncent qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Sur le fondement de ces dispositions, la jurisprudence exige des employeurs désirant recourir aux contrats précaires d'usage justifie, en plus de leur appartenance à un secteur autorisé à y recourir, qu'ils démontrent le caractère par nature temporaire des emplois concernés.

En l'espèce un club de Rugby défendait que le seul fait que le contrat porte sur une prestation de joueur de rugby professionnel d'une saison suffisait à démontrer ce caractère temporaire par nature.

La Cour d'appel de Montpellier avait refusé de suivre le raisonnement en considérant que la démonstration du caractère temporaire du contrat n'était pas rapportée.

On pourrait s'étonner que la Cour de cassation confirme le raisonnement des juges du fond.

Il n'est cependant pas absurde puisque le joueur avait été reconduit plusieurs fois et avait même signé des contrats pour plusieurs saisons.

On comprend donc qu'un contrat de joueur de rugby professionnel n'est pas nécessairement temporaire.

De surcroît, en poussant l'analyse, on comprend que dans une équipe professionnel, un certain nombre de poste ne sont pas, par nature temporaires : en effet un club a toujours besoin d'un joueur à chaque poste de ses équipes. On en déduit donc que ces postes ne sont pas temporaires par nature et que, malgré la dérogation du décret, les postes de joueurs professionnels devraient être pourvus par des emplois à durée indéterminée.

Il conviendra d'être attentif, dans le domaine du sport, à l'évolution et l'interprétation des textes, car si les motivations de cet arrêt sont confirmées et généralisées, cela va créer un risque important de requalification de la nature des contrats des sportifs professionnels et un risque financier important en cas de non-renouvellement du contrat.

En effet, si le contrat ne peut revendiquer le bénéfice de la dérogation des contrats d'usage, il doit être requalifié en CDI et sa rupture devient dépourvue de cause réelle et sérieuse entraînant obligation de règlement d'indemnité de licenciement, préavis et indemnisation des conséquences de la rupture.

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