Une faute prescrite peut justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur
Date de publication :
13/08/2021Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2021
Depuis quelques années, le législateur n'a eu de cesse que de réduire le délai de prescription des demandes liées au contrat de travail, au point d'aboutir à un régime plus défavorable que celui du droit commun.
Ce sort particulier fait aux droits des salariés s'expliquerait par la nécessité de prévisibilité de l'action économique et l'engorgement des juridictions.
La situation est devenue si moralement difficile à soutenir que la Cour de cassation vient de rendre un curieux arrêt : un salarié placé en arrêt maladie par son médecin pendant près de 3 ans avait saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire et d'indemnisation sur la base des manquements de l'employeur qu'il considérait être à l'origine de son arrêt de travail.
La Cour d'appel, appliquant les dispositions législatives, avait débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes. Saisie par la salariée, la Cour de cassation confirme la prescription de ses demandes indemnitaires mais considère que les manquements, même prescrits, devaient être examinés par la Cour d'Appel pour apprécier la demande de résiliation judiciaire.
Ainsi, sans le dire explicitement, la Cour ouvre la possibilité aux juges de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur sur la base de faits prescrits et ne pouvant donner lieu à indemnisation.
Il est difficile d'imaginer qu'une solution aussi bancale sur le plan juridique pourrait se maintenir longtemps. Elle illustre cependant la situation kafkaienne créée par les réformes successives du droit du travail qui placent les salariés dans une situation de justiciables de seconde zone et le manque total de réflexion du législateur sur le sens et l'effet des réformes qu'il met en place.
Il convient désormais d'attendre soit qu'à l'instar de la jurisprudence sur les plafonds d'indemnisation "Macron", les juges rééquilibrent le régime mis en place par le législateur, soit que ce dernier ose se saisir du problème. Si la première solution est la plus probable, elle ouvre cependant une longue période d'incertitude sur le régime de la prescription en droit du travail qui n'est souhaitable ni pour les employeurs, ni pour les salariés.